=> de retour des labos!



Arriver jusqu'ici ne fut pas très difficile. En silence. De temps en temps, ils s'arrêtaient. Il s'était demandé parfois si ça n'aurait pas été plus vite de la porter, mais au vu des gens qu'ils croisaient (peu nombreux), heureusement qu'il avait évité.
En tout cas, ils arrivèrent devant chez elle sans encombre et assez rapidement. Elle n'avait plus qu'à ouvrir sa porte. Il pourrait très bien la laisser là, mais il s'en faisait trop pour elle. Il s'assurerait d'abord qu'elle allait bien mieux, qu'elle ait pris quelque chose, qu'elle ait bu un peu, bref, qu'elle se soit un peu soignée ou qu'elle se soit réhydratée. Alors seulement, il la laisserait tranquille et rentrerait chez lui. Ce qui n'était pas très loin, vu qu'il suffisait de tourner au bout du couloir, de passer devant chez Tony, et continuer devant deux autres appartements.

La porte ouverte, il attendit un peu, timidement, puis entra sur invitation de Bella (pas du genre à entrer sans avoir l'autorisation - non, il n'était pas du genre livide, sang froid et dents longues.) Il était déjà venu ici (tout comme elle était déjà venue chez lui), entre amis, ils se rendaient régulièrement visite en dehors du labo. Et ça n'avait pas changé. Et ça ressemblait toujours à son appartement, en un peu plus ordonné... ou disons, ordonné avec plus de logique.

Il suivit Bella d'un peu loin, la surveillant. Qu'il soit aussi prévenant aurait sonné la cloche interne de n'importe qui, mais pas la sienne.

- Tu veux que je te fasse un thé?

l'avantage du thé, avec un morceau de sucre, c'est que ça requinquait et réchauffait en même temps. C'était le remède miracle de Raphael, qui buvait souvent une tasse de thé pour se détendre, surtout après un grand coup de stress.

Il n'y avait pas de cuisine dans les appartements, mais rien n'empêchait d'avoir une bouilloire et des sachets de thés. ces deux éléments étaient les meilleurs amis de l'insomniaque ou corbeau de nuit qu'était Raphael...

V'là qu'il était un amour... faudrait qu'elle arrête avec les petits noms attentionnés... Raphael ne savait jamais quoi en faire de ces appellations... cela avait toujours un air ridicule et exagéré. Enfin, elle lui disait ça parce qu'elle pensait qu'il était adorable et prévenant et que c'était cool d'avoir quelqu'un d'adorable et prévenant en cas de crise.

Annabelle préférant une camomille, il regarda dans le placard du coin, comme indiqué. Il y avait une boîte qui contenait plein d'infusions différentes. Il chercha la camomille en écoutant distraitement Bella lui dire qu'elle avait envie de dormir et tout ça.

- Hmm, hmm.

Il trouva une infusion de camomille et regarda les autres, histoire de se décider... Mais il aimait autant le Earl Grey que le Russian Earl Grey, que le Darjeeling que le India Chai... et ça devenait un véritable calvaire.

Il entendit le robinet dans la salle de bain. Il ferma les yeux et prit une infusette au hasard. Un thé à la menthe. Pourquoi pas? Cela lui rappelait une des amies de sa mère, originaire de Tunisie, qui avait le don pour faire des petits plats délicieux, et haaaa les pâtisseries tunisiennes... quel régal! il se souvenait des triangles miel-amandes, des cornes de gazelle, des zlablia... période révolue!

Rangea la boite et alla préparer deux tasses. Il prit une bouteille d'eau dans un placard pour la vider à moitié dans la bouilloire. La camomille pour Bella, la menthe pour lui.

Bella revint vêtu d'un jogging en coton. C'était sans doute très confortable. Lui ne s'était jamais fait à ces vêtements bizarres tous flaques. Il s'habillait parfois n'importe comment, mais il aimait bien avoir des fringues qui lui donnaient l'impression d'être à l'abri. Ce qui n'était pas le cas avec un jogging. Il avait souvent couru pour éviter les heures de sport dans son enfance tant il détestait les joggings.

- Tu as l'air d'aller un peu mieux. L'eau chauffe. La caravane aboie.

Le temps que ça chauffe, il s'assit sur l'accoudoir du fauteuil (il aimait bien s'asseoir sur les accoudoirs, allez savoir pourquoi) et regarda Bella.

Il leva le bras quand elle se posa contre lui. Elle était sur le canapé et lui sur l'accoudoir, mais ils étaient l'un contre l'autre. Il passe bras autour de ses épaules, comme sa mère l'avait si souvent fait quand il était petit. C'était des automatismes, certes, mais l'intention y était.

Il se demanda pourquoi soudainement, elle lui disait toutes ces choses étranges. Ils avaient toujours été là l'un pour l'autre, mais là, ça frôlait le record. Elle lui disait souvent qu'il était sympa, cool, chouette... mais rarement elle se raccrochait à lui en disant qu'il était un ange.
Il mit cela sur le compte de la crise et de la fatigue... lui aussi aurait eu un comportement bizarre après tel événement!

Puis la bouilloire siffla, et il se leva doucement pour ne pas brusquer Bella. Il s'occupa de remplir les tasses et de les amener. Il les posa sur la table.

- Et une camomille, et un thé à la menthe.

Il souffla dans sa tasse (comme si ça allait vraiment refroidir à vitesse grand V) et en but une tout petite gorgée... Il retrouvait ce goût si caractéristique... le thé chaud, la menthe fraiche, ce drôle de mélange de sensations... ce retour en arrière et les pâtisseries tunisiennes...

Il revint un peu sur terre en entendant Bella lui parler.

- Je repensais à Manhattan et à ce petit resto oriental tenu par une amie de ma mère... Une petite Tunisienne adorable qui faisait les meilleurs tajines au monde... On y allait tous les samedis avec ma mère, et elle m'offrait un triangle au miel à chaque fois, en me disant que j'étais un petit soleil. J'aimais bien ces moments.

Il baissa les yeux vers son amie, qui semblait aller mieux. Ils étaient vraiment les meilleurs amis. Elle était la seule personne à avoir cet effet sur lui. L'impression d'être humain, quelque part. Il n'avait jamais eu d'amis comme elle, et il n'y avait personne à qui il tenait autant.

Ils étaient là l'un pour l'autre.

- Je sais que tu seras là...

Il fit une pirouette humoristique...

- D'ailleurs, y'a peu d'endroit où se planquer et c'est très difficile de s'enfuir...

Il redevint sérieux.

- Je t'appellerai...

Sauf que pour parler de ces problèmes... ben... y'avait un peu personne, pas même lui...! Ils ignoraient tous les deux qu'ils seraient là, presque dans la même position, quelques jours plus tard, dans de toutes autres circonstances...

Ah... L'humour à la Raph...
" C'est vrai qu'on ne risque pas d'aller bien loin! Même si j'aimerais sortir d'ici quand même... Je n'aimerais pas qu'on se perde de vue pour autant! "

Je le regardais en buvant mon infusion. Je trouvais sa présence apaisante. Je n'aurais jamais pensé pouvoir compter sur lui à ce point là. Je l'ai toujours vu comme quelqu'un de confiance, mais pas forcément assez prévenant pour faire face à ce genre d'évènements... Je ne l'appréciais que d'avantage. J'en étais déjà amoureuse depuis quelques années, mais cet évènement particulier avait changé ma vision de cet homme. Malgré son côté rêveur et maladroit, il savait être prévenant et affectueux (même carrément câlin). Cet homme me plaisait plus que jamais! Il faudrait que je me décide à faire un pas vers lui, parce que vu la timidité du personnage... Je pouvais attendre encore longtemps avant de savoir si je l'intéressais ou non...

Il me dit alors qu'en cas de besoin il m'appellerait...
" J'espère bien! " lui répondis-je d'un air grave.

Je buvais assez rapidement mon infusion, pas parce que je voulais que Raph sorte de chez moi, mais parce que j'étais vraiment fatiguée. J'aspirais à me coucher. Si j'avais pu dormir avec lui, je l'aurais fait volontiers. Mais je n'allais quand même pas lui demander ça, sans savoir comment il me voyait. Dormir à ses côtés... Cette perspective me paraissait une chose naturelle, parce que je ne pensais pas à une nuit version couple, mais à une nuit entre deux amis qui se font confiance et qui peuvent toujours compter l'un sur l'autre. Dormir ensemble, juste dormir... Ma tasse vide, je me levais doucement du canapé en posant la main sur le bras de Raphaël.
" Encore merci pour tout Raphaël! Je suis épuisée. Je n'ai qu'une envie, c'est d'aller me coucher. Je ne voudrais pas que tu penses que je te pousse dehors parce que ce n'est absolument pas le cas! Tu fais ce que tu veux, tu es ici comme chez toi. " et l'image de l'état de son appart' me vint soudainement à l'esprit et me fit sourire.
" Je te demanderais simplement de bien refermer la porte derrière toi quand tu partiras. "
Je me penchais alors vers lui et déposais un tendre baiser sur sa joue.
" Bonne nuit Raphaël! "

Lui non plus n'aimerait pas la perdre de vue. Lui aussi aimerait sortir... mais sortir était égal à mourir. Pour ce qu'ils en savaient. Ce virus mortel survivait aux humains et c'était l'un des problèmes.
Il soupira. Quand bien même ils trouveraient la solution et pourraient sortir, il ne pourrait pas oublier ces années passées ici, ni oublier Annabella, sa meilleure amie, presque une âme sœur, tant ils étaient liés. Même avec ses amis d'alors, William pour ne citer que lui, il n'avait pas été aussi proche.

Mais l'appellerait-il vraiment en cas de besoin? Il avait tendance à garder ses problèmes pour lui et à essayer de les résoudre tout seul, ou bien les ignorer. Il lui devait bien ça. L'amitié, ça allait dans les deux sens. Il était là pour elle, et elle voulait être là pour lui... pourquoi lui refuser ça?
Et puis il n'avait pas de problèmes, d'abord!

FAUX!
Il se mentait à lui-même. Les problèmes, c'était un peu sa compagnie depuis tout gosse.

- Je suis dyspraxique. Mais je crois que t'avais remarqué.

Cela n'avait rien à voir, mais c'était un début. Il n'était pas sévèrement dyspraxique, mais dyspraxique quand même. Ce qui voulait dire qu'il avait eu beaucoup de mal à apprendre à marcher, à faire ses lacets, à écrire correctement, à bien coordonner ses mouvements. C'était pourquoi il était si maladroit et semblait capable de se cogner dans toutes les portes.
Mais ce n'était pas le pire de ses problèmes.

Après cette petite conversation, Annabella fut prête pour aller dormir du sommeil du juste. Il regarda la main de Bella sur son bras. Cette main fine.

- Je sais bien que tu me fous pas à la porte... d'abord, je suis plus fort que toi. Et toc.

Il finit son thé. Elle lui fit une bise, encore. Il se leva, lui rendit la bise et lui sourit.

- Bonne nuit. N'hésite pas à me téléphoner si ça va pas.

Sur ce, il quitta l'appartement d'Annabella... l'esprit un peu confus. Il avait soudainement besoin d'être un peu seul pour se remettre de cette soirée étrange. Son appartement était le lieu tout indiqué. Avec SES repères, SES couvertures...


[Terminé!]